La philanthropie d’entreprise fait l’objet d’un solide débat idéologique, et le conflit entre la théorie du point de vue de l’actionnaire soutenu par Friedman et la théorie des parties prenantes de l’entreprise défendu par Freeman a largement été débattu dans la littérature (Bird, Hall et al. 2007). La première des deux théories (Friedman, M. (1970). The Social Responsibility of Business is to Increase its Profits. The New York Times Magazine), qui se situe dans le droit fil de l’économie traditionnelle, défend l’idée que le seul et unique but de l’entreprise est d’accroître la richesse de ses actionnaires, considère que son patrimoine leur appartient, et qu’en aliéner une fraction sans objectif de rentabilité revient à les en déposséder. La seconde théorie (Freeman, E. R. (1984). Strategic management: a stakeholder approach. Boston, Pitman) place l’entreprise dans son environnement naturel, social et économique, et considère que cette dernière est, au moins partiellement, responsable des nuisances et dégradations que son activité génère. En conséquence, l’entreprise doit prendre toutes mesures pour réduire ces nuisances, conduire son exploitation de manière raisonnable, avec une responsabilité citoyenne et sociale.
Bien que ces deux théories aient une position divergente sur le rôle de l’entreprise au sein de son environnement, un compromis semble être apparu avec ce qu’il est convenu d’appeler la “philanthropie stratégique d’entreprise” (Saiia, D. H., A. B. Caroll, et al. (2003). “Philanthropy as Strategy: When Corporate Charity Begins at Home.” Business & Society 42(2): 169).
De nombreux auteurs ont avancé que la plupart des entreprises ayant une politique philanthropique manquent leurs objectifs affichés de “faire bien” tout en “faisant le bien”. A titre d’exemple on peut citer les auteurs suivants:
– Brammer, Millington et al. (p.242) trouvent que “strategic motives appear to play little or no role in determining the level of philanthropic contributions, which instead appear to be driven by resource availability, the presence of previous commitments and relationships, and senior managerial discretion.“(Brammer, S., A. Millington, et al. (2006). “Is philanthropy strategic? An analysis of the management of charitable giving in large UK companies.” Business Ethics: A European Review 15(3): 234-245)
– Porter and Kramer (p.58) expliquent que “the way corporate philanthropy is practised today, Friedman is right. The majority of corporate contribution programs are diffuse and unfocused” (Porter, M. E. and M. R. Kramer (2002). “The Competitive Advantage of Corporate Philanthropy.” Harvard Business Review 80(12): 56-69)
– enfin Bruch and Walter observent (p.49) que ceci est souvent dû à une gestion inefficace: “Although the relevance of corporate philanthropy is widely accepted, few companies achieve significant, lasting societal impact because most lack a cohesive strategy. Effective philanthropy must be run no less professionally than the core business”(Bruch, H. and F. Walter (2005). “The Keys to Rethinking Corporate Philanthropy.” MIT Sloan Management Review 47(1): 49-55).
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